3ème Journée Nationale des Légitimités Traditionnelles au Mali : Une célébration sous le signe du soutien politique
Le Mali a célébré le 11 novembre dernier la 3ème Journée Nationale des Légitimités Traditionnelles, instituée en 2021 pour valoriser le rôle central des chefs coutumiers dans la transmission des valeurs culturelles. Si cette journée rend hommage aux autorités traditionnelles, elle a également pris une dimension politique forte : une majorité de chefs traditionnels maliens a publiquement exprimé son soutien au Président de la Transition, l’invitant à se présenter aux prochaines élections.
Un soutien porteur de stabilité ou de division ?
La décision des chefs traditionnels de soutenir la candidature du Président de la Transition, un militaire de carrière, suscite un débat au sein de la société malienne. Ces autorités, reconnues pour leur rôle moral et de médiation, adoptent ici une posture politique qui pourrait soit renforcer la stabilité, soit diviser davantage le pays. Pour certains, leur soutien au président militaire est perçu comme un gage de stabilité dans un contexte de crise sécuritaire. Sa popularité, fondée sur des actions en faveur de la sécurité et contre la corruption, est bien accueillie dans les zones rurales, où l’influence des chefs coutumiers reste forte.
Les chefs traditionnels face à un dilemme historique
Les chefs traditionnels, investis d’une confiance populaire, jouent un rôle de proximité essentiel entre l’État et les communautés. En soutenant le président de la Transition, ils lui apportent une légitimité accrue pour des réformes, mais risquent de fragiliser leur rôle de médiateurs. Cette implication politique peut, en effet, nuire à leur neutralité et fragiliser leur autorité morale, au risque d’engendrer des tensions dans leurs propres communautés.
Les implications pour la transition démocratique
Le soutien des chefs pourrait aussi être interprété comme un appui à la prolongation du régime militaire, une perception qui pourrait susciter des critiques de l’opposition, de la société civile, et de la communauté internationale. Pour une partie de la population, ce soutien pourrait être perçu comme un obstacle à la transition démocratique, renforçant la crainte d’une consolidation du pouvoir militaire.
Les réactions des populations à cette prise de position sont également incertaines. Si certains espèrent que la continuité militaire aidera à stabiliser le pays, d’autres pourraient y voir un recul de la démocratie. Quant au président, il pourrait voir son autorité remise en question si sa candidature est interprétée comme une ambition personnelle plutôt que comme un acte d’intérêt national.
Un appel à la modération : préserver la paix sociale
Dans ce contexte sensible, il serait souhaitable que les chefs traditionnels recentrent leur action sur leur rôle de conseillers et médiateurs, garants de la paix sociale et des valeurs maliennes. Leur mission principale consiste à promouvoir la cohésion, en accompagnant la Transition sans s’impliquer politiquement. Ils pourraient ainsi contribuer à la stabilité en veillant à ce que les engagements de réformes soient tenus, tout en restant en dehors des luttes de pouvoir.
En soutenant un candidat, les chefs risquent de compromettre leur crédibilité et d’affaiblir l’équilibre des valeurs ancestrales qu’ils représentent. En demeurant en retrait, ils préserveraient leur rôle de gardiens de la démocratie, permettant ainsi au Mali de bâtir un avenir serein et inclusif.
Présence officielle lors des célébrations
La cérémonie de la Journée Nationale des Légitimités Traditionnelles s’est tenue au Centre International de Conférences de Bamako (CICB), sous la représentation du Général de Corps d’Armée Ismaël Wagué, Ministre de la Réconciliation, de la Paix et de la Cohésion nationale, au nom du Président de la Transition, Son Excellence le Général d’Armée Assimi GOÏTA. Placée sous le haut patronage du Ministre de l’Artisanat, de la Culture, de l’Industrie hôtelière et du Tourisme, Andogoly GUINDO, cette édition 2024 a exploré le thème : « Rôle et responsabilité des Autorités et Légitimités traditionnelles dans la préservation et l’éducation aux valeurs socio-culturelles ».
Plusieurs membres du gouvernement et des représentants internationaux, notamment sa Majesté Naaba du Burkina Faso et le président de l’association des chefs traditionnels du Niger, étaient présents pour cette célébration. Dans l’esprit de cette journée, le message reste clair : pour la paix, aucun sacrifice n’est de trop.