Syndicalisme sous tension: Jusqu’où ira le bras de fer du SYNABEF avec l’État malien ?
Le Mali est à la croisée des chemins. Alors que la cohésion sociale et la stabilité économique peinent à se renforcer, une nouvelle crise se profile à l’horizon, cette fois dans le secteur stratégique des banques, des assurances, des stations-service et des hydrocarbures. En effet, le Syndicat national des banques, assurances, établissements financiers, microfinance et commerces du Mali (SYNABEF), déjà en conflit ouvert avec le gouvernement lors d’un précédent épisode judiciaire impliquant son président, annonce une nouvelle grève. Un préavis a été déposé pour un arrêt de travail de 72 heures, du 17 au 19 avril 2025, reconductible du 22 au 26 avril.
La surprise ne réside pas tant dans la capacité du syndicat à mobiliser, mais dans la récurrence des grèves corporatistes déclenchées à chaque mise en cause judiciaire d’un de leurs membres. Cette posture soulève une question essentielle : le syndicalisme au Mali peut-il continuer à se draper dans une solidarité inconditionnelle, au mépris des principes de justice, d’éthique et de responsabilité collective ?
Un dialogue piégé
Cette crise du SYNABEF intervient dans un climat déjà tendu, quelques semaines seulement après la victoire d’un autre syndicat, celui de la santé, qui avait obtenu la libération d’un professeur syndicaliste arrêté. Ce précédent semble avoir créé un précédent juridique et psychologique : les syndicats seraient en position de force, capables de faire plier l’État en brandissant la menace paralysante de la grève dans des secteurs névralgiques.
Mais à quel prix ? Chaque grève de ce genre fragilise un peu plus le pacte social, affecte la confiance des usagers et investisseurs, et alourdit le climat économique déjà fragile du pays. Le droit de grève, certes sacré, peut-il devenir une arme de dissuasion pour soustraire des membres d’une corporation à la justice ?
L’éthique syndicale
Au Mali, il est tristement rare de voir un syndicat reconnaître publiquement la responsabilité fautive d’un de ses membres. L’autocritique syndicale est quasi inexistante. Pourtant, un syndicat ne devrait-il pas aussi être un acteur de gouvernance interne, un rempart contre les dérives telles que la corruption, le blanchiment d’argent ou l’enrichissement illicite ?
Dans les entreprises et institutions, les syndicats ont un rôle clé : ils peuvent contribuer à bâtir une culture de probité, en sensibilisant les travailleurs sur les valeurs d’éthique, de transparence et de redevabilité. Ne pas le faire, c’est se rendre complice passif voire actif d’un système où la solidarité de groupe prime sur l’intérêt général.
Des conséquences économiques et sociales majeures.
Une grève prolongée du SYNABEF entraînerait un blocage quasi-total du système financier, une rupture de l’approvisionnement en carburant, et par ricochet, une paralysie de l’économie nationale. Les citoyens ordinaires, les petites entreprises, les agriculteurs, les transporteurs, tous en subiraient les conséquences immédiates. Dans un pays où la majorité de la population vit au jour le jour, une telle crise pourrait rapidement engendrer une colère populaire difficile à contenir.
Vers une nouvelle approche syndicale ?
Il est temps pour les syndicats maliens, y compris le SYNABEF, de redéfinir leur rôle au-delà du corporatisme pur. La défense des droits des travailleurs ne doit rimer ni avec impunité ni avec obstruction de la justice. Il devient impératif d’ouvrir un débat national sur le rôle éthique des syndicats dans la consolidation de la bonne gouvernance.
Des pistes de sortie de crise.
Pour éviter l’enlisement, plusieurs propositions peuvent être mises sur la table : Dialogue tripartite sincère entre gouvernement, syndicats et organisations de la société civile, avec un engagement clair à respecter les procédures judiciaires indépendantes, création de comités éthiques internes au sein des syndicats pour examiner les cas litigieux avec objectivité ,renforcement du rôle des inspecteurs du travail dans les entreprises pour prévenir les dérives , campagnes de sensibilisation syndicale sur la corruption, l’enrichissement illicite et leurs conséquences sur l’économie nationale.
La force d’un syndicat ne se mesure pas à sa capacité de blocage, mais à sa responsabilité morale.
Le bras de fer du SYNABEF avec l’État est plus qu’un conflit de circonstance : il interroge le modèle syndical malien dans son essence. La solidarité professionnelle ne doit pas être un refuge contre la justice. Un syndicat fort est celui qui défend ses membres avec équité, mais aussi qui sait reconnaître ses faiblesses et jouer un rôle proactif dans la promotion de la transparence. Le Mali ne pourra construire une société juste sans des syndicats justes.
Par Mamadou Camara Madou’s Info360.info