Crise à Ecobank Mali : Une affaire de garantie qui fait vaciller le secteur bancaire
Une tempête secoue le secteur bancaire malien après la mise sous mandat de dépôt de plusieurs cadres d’Ecobank Mali par le Pôle économique et financier de Bamako.
En cause, l’émission de messages Swift relatifs à des garanties bancaires, un processus aujourd’hui au centre d’une controverse judiciaire et syndicale. Quelle est l’utilité d’un switch? Que veut dire son authentification? Est-ce qu’ ECOBANK avait en sa possession tous les éléments du contrat? Jusqu’à quel niveau la direction générale d’ECOBANK est-elle impliquée ?
Un séisme au sein d’Ecobank et du SYNABEF
Le vendredi 7 mars 2025, aux alentours de 16h, plusieurs hauts responsables d’Ecobank Mali ont été placés sous mandat de dépôt et conduits à la Maison Centrale d’Arrêt (MCA). Cette décision fait suite à une enquête du Pôle économique et financier de Bamako, qui avait déjà mis en garde à vue, depuis le 27 février, des chefs de projets, des promoteurs d’entreprises indiens ainsi que des cadres de la banque pour des faits présumés de faux et usage de faux, blanchiment de capitaux et complicité.
En réaction, le Syndicat National des Banques, Assurances, Établissements Financiers et Commerces du Mali (SYNABEF) a tenu une réunion extraordinaire le samedi 8 mars 2025, à l’issue de laquelle un communiqué a été publié. Le syndicat affirme que l’émission des messages Swift incriminés est conforme aux réglementations bancaires et aux procédures internes d’Ecobank. Mieux, il soutient que le groupe Ecobank et l’APBEF (Association Professionnelle des Banques et Établissements Financiers du Mali) confirment la régularité des opérations concernées.
Face à ce qu’il considère comme une injustice, le SYNABEF a décidé d’intensifier la mobilisation. Il prévoit un sit-in le lundi 10 mars de 08h à 10h devant les banques au Mali et à l’étranger. En guise de riposte, le syndicat annonce également la suspension de tout transfert de garanties liées à EDM-SA et à d’autres structures publiques et parapubliques jusqu’à nouvel ordre. Une décision lourde de conséquences pour un secteur énergétique déjà en difficulté.
Une gestion bancaire sous haute tension
L’affaire repose sur un élément central : la certification de garanties bancaires. Selon le SYNABEF, les cadres d’Ecobank n’auraient fait qu’appliquer les règles de leur institution. Cependant, une lecture plus rigoureuse du dossier pourrait révèler un manquement fondamental à savoir l’authentification d’une garantie sans connaître directement le fournisseur indien concerné.
Or, lorsqu’une banque valide une garantie, elle engage sa responsabilité. En l’absence d’une vérification approfondie, une contestation peut survenir, comme ce serait le cas ici avec EDM-SA, qui estimerait avoir subi un préjudice de plusieurs milliards de francs CFA et a saisi la justice.
Ce dossier rappelle étrangement d’autres affaires récentes, notamment le procès des équipements militaires et de l’aéronef. Dans ce cas, une haute personnalité malienne avait signé une garantie au profit d’un privé, Kagnassy, au nom de l’État. Lorsque des irrégularités sont apparues, la justice a tranché, et aujourd’hui cette personnalité est derrière les barreaux. Un schéma similaire semble se dessiner pour Ecobank notamment si une garantie est émise au bénéfice d’un fournisseur qui faillit, qui doit payer ?
Une équation délicate entre droit et responsabilité
L’enjeu de cette affaire dépasse la seule banque Ecobank. Il touche aux mécanismes de contrôle et de régulation des garanties bancaires au Mali. Si la justice considère que ces garanties ont été émises en violation des règles, alors la responsabilité des cadres bancaires est engagée. À l’inverse, si la conformité aux procédures est avérée, alors la détention des cadres d’Ecobank pourrait poser un précédent inquiétant pour le secteur bancaire.
En attendant que la justice se prononce sur le fond du dossier, cette affaire souligne une réalité principalement la légèreté dans certaines pratiques bancaires peut avoir des conséquences judiciaires lourdes. Entre pressions syndicales, risques économiques et respect de l’État de droit, le secteur bancaire malien traverse une crise qui pourrait redéfinir ses règles du jeu.
Madou’s CAMARA
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