Agence africaine du médicament : L’Algérie victime d’un » fort lobbying »
L’Algérie a beaucoup d’ambition pour l’industrie pharmaceutique africaine et c’est la principale raison qui l’a poussée à postuler pour abriter le siège de l’Agence africaine du médicament.
Le vote du conseil exécutif de l’Union Africaine a eu lieu vendredi 15 juillet à Lusaka (Zambie) et c’est le Rwanda qui a été choisi avec 29 voix, contre 18 pour l’Algérie.
Les atouts des deux pays finalistes sont pourtant nettement déséquilibrés. L’Algérie est un mastodonte à l’échelle de l’Afrique. Plus vaste État du continent depuis la partition du Soudan, acteur énergétique mondial, un PIB 16 fois plus grand que celui du Rwanda, une industrie pharmaceutique florissante et une influence indéniable au niveau de l’Union africaine et ses instances.
Le Rwanda, petit pays enclavé de l’est de l’Afrique, et malgré une percée dans les nouvelles technologies pendant la dernière décennie, émarge toujours au registre des pays pauvres : 12 millions d’habitants se partagent un PIB de 10 milliards de dollars, avec un taux de pauvreté de 55 %.
En matière de santé et précisément d’industrie du médicament, l’Algérie est aussi loin devant avec près de 70 % des besoins nationaux produits localement et une ambition affichée d’augmenter les quantités exportées, notamment vers l’Afrique.
Dans ce domaine, l’Algérie est résolument tournée vers le continent. Lorsque la première usine de vaccin anti-covid a été ouverte en septembre 2021 à Constantine, en partenariat avec les Chinois, il a été précisé que le gros de la production sera destiné à couvrir les besoins de l’Afrique.
En mai dernier, c’est à Dakar (Sénégal) que l’Algérie a tenu un salon dédié à l’industrie pharmaceutique pour faire connaître les produits des laboratoires algériens, aussi nombreux que performants.
Il était dans l’ordre des choses que l’Algérie présente sa candidature pour abriter le siège de la nouvelle agence créée par l’Union africaine et il aurait été logique qu’elle soit élue sans grande difficulté.
Mais ce n’est pas ce qui s’est passé, en dépit d’un soutien actif du gouvernement. Ramtane Lamamra, ministre des Affaires étrangères et son camarade de l’Industrie pharmaceutique, Lotfi Ben Ahmed, se sont déplacés à Lusaka pour porter la candidature de l’Algérie.
Une ambition qui dérange
Il se trouve néanmoins que les enjeux de l’agence ont donné lieu à un lobbying hostile qui a eu raison de tous les atouts de l’Algérie.
Des sources proches du dossier en sont convaincues. Le projet et l’ambition de l’Algérie ont de quoi déranger de gros intérêts. « Nous voulons que les médicaments puissent être acquis à l’intérieur du continent. On essaie de plaider pour que le PNUD et l’OMS, lorsqu’ils font l’acquisition de médicaments et de produits, puissent le faire à l’intérieur de l’Afrique, pour que ça puisse donner une dynamique de développement », indiquait récemment à TSA une responsable au ministère de l’Industrie pharmaceutique.
Acquérir des médicaments en Afrique même, c’est avantageux pour le continent mais pas pour les grands laboratoires pharmaceutiques européens et américains. « Il y a eu un fort lobbying des grands laboratoires contre la candidature de l’Algérie » pour accueillir le siège de l’Agence africaine du médicament (AAM), affirme notre source.
En exerçant un fort lobbying, expliquent les mêmes sources, ils ambitionnent de contrôler l’AMA pour en faire un instrument qui maintient leur contrôle du marché africain face aux Russes et aux Chinois, mais aussi face à l’industrie locale émergente, entre autres algérienne.
On comprend mieux ce qui s’est passé lorsqu’on voit le mandat et la mission de l’agence. L’idée de son lancement remonte à 2007 avec l’adoption du Plan de fabrication des produits pharmaceutiques pour l’Afrique par le conseil exécutif de l’UA. Le traité portant sa création a été adopté par le 32e sommet des chefs d’État en février 2019.
Son objectif est de mettre en commun les ressources et les expertises du continent pour améliorer l’accès aux médicaments, de bonne qualité et à des prix abordables. Il est notamment spécifié que l’AMA œuvrera à réduire la dépendance du continent à l’égard des produits importés.
Par : Ryad Hamadi/TSA-Algerie.com