Charte des partis politiques : Entre rupture et dialogue, le Mali à l’épreuve de sa démocratie
Le climat politique au Mali est à la croisée des chemins. La conférence de presse tenue le 15 avril par une centaine de partis politiques à l’exception notable du RPM met en lumière une tension palpable autour de la relecture annoncée de la Charte des partis politiques. À la veille des consultations prévues sur tout le territoire et dans la diaspora, ces partis sollicitent du gouvernement de la Transition une suspension immédiate du processus. Leur mot d’ordre est clair : un dialogue responsable, ouvert et inclusif pour préserver l’essentiel c’est-à-dire la démocratie et la paix.
Un réveil tardif mais révélateur
Ce sursaut des partis politiques maliens interpelle. Longtemps restés discrets ou désunis face aux réformes profondes de la Transition, ils semblent aujourd’hui trouver une cause commune : défendre leur existence et le pluralisme politique. La crainte d’une suppression pure et simple des partis, évoquée dans leurs propos, ravive les mémoires douloureuses des luttes démocratiques de mars 1991. Ce regain d’inquiétude se nourrit également des évolutions observées dans d’autres pays de la sous-région comme le Niger, où la classe politique a été réduite au silence.
Mais cette réaction soulève une question essentielle : pourquoi ce front uni n’apparaît-il que maintenant, alors que les signaux de reconfiguration politique étaient perceptibles depuis des mois ? Et surtout, quelle crédibilité accorder à une mobilisation excluant un acteur historique comme le RPM ? L’union affichée paraît davantage circonstancielle que stratégique, ce qui limite sa portée dans un contexte exigeant davantage de sincérité et de vision collective.
Entre légitimité politique et nécessité de réforme
Le gouvernement de la Transition, par la voix du ministre Mossa AG Attaher, semble maintenir le cap. L’appel à la participation active des Maliens de la diaspora aux consultations prévues les 16 et 17 avril traduit une volonté d’inclusivité… mais dans un cadre dont les modalités semblent déjà fixées. Ce qui alimente les soupçons des partis quant à l’issue potentiellement unilatérale de ce processus.
Cependant, il serait réducteur d’opposer frontalement gouvernement et partis. La relecture de la Charte est une nécessité dans le contexte actuel, où la prolifération des formations politiques a contribué à la fragmentation du débat démocratique. Le défi est donc double : réformer sans exclure, moderniser sans briser les acquis démocratiques.
L’urgence d’un pont de confiance
Au cœur de cette crise larvée se trouve la question cruciale de la confiance. Entre les partis et les citoyens, elle s’est effritée au fil des années, entamée par les pratiques clientélistes, les querelles intestines et la faiblesse de l’ancrage local des formations politiques. Entre ces mêmes partis et les autorités de transition, elle reste fragile, grevée par l’opacité de certaines décisions et le manque de concertation.
Pour sortir de cette impasse, le dialogue doit être repensé. Non comme une formalité, mais comme une étape fondatrice d’un nouveau contrat politique national. Cela implique des gestes forts des deux côtés : un report assumé des consultations par le gouvernement et un engagement constructif des partis autour d’un agenda de refondation politique claire.
Construire l’après : quelles alternatives viables ?
Si la suppression des partis politiques est perçue par certains comme une solution à l’instabilité chronique, elle serait en réalité une régression démocratique lourde de conséquences. Le Mali a besoin de partis forts, responsables et représentatifs. Mais pour cela, ces derniers doivent se réinventer : se rapprocher des citoyens, former leurs militants, promouvoir l’intérêt général.
Il serait opportun d’envisager des réformes structurantes telles que : la rationalisation du nombre de partis via des critères de représentativité, la refonte du financement public pour encourager la transparence, l’instauration d’un statut de l’opposition rénové, garantissant son expression et son rôle de veille, la création d’un organe paritaire de dialogue politique permanent, véritable trait d’union entre gouvernants et gouvernés.
Une Transition réussie ne se décrète pas, elle se construit
Le Mali est à un tournant. La manière dont la relecture de la Charte des partis politiques sera conduite déterminera, en partie, la réussite ou l’échec de la Transition. Il n’y a pas de paix durable sans dialogue inclusif, pas de stabilité sans justice politique, pas de refondation sans respect mutuel.
L’heure n’est pas à la confrontation mais à la construction. Car dans cette quête de stabilité et de développement, l’unité nationale, la cohésion sociale et la confiance citoyenne restent nos meilleures garanties pour bâtir le Mali de demain.
Mamadou Camara Madou’s Info360.info